Madame Claude Rain

Interview Madame Claude Rain – Anglet – Puces de Quintaou – 2010

Claude Rain est une ensorceleuse de meubles anciens. Elle les retravaille en les peignant avec délicatesse et précision pour révéler leur charme sans les dénaturer. Férue de peinture et de brocante elle parle de son art et des Puces de Quintaou avec des mots justes et une analyse très fine des attentes des chineurs.

Vous exposez régulièrement aux Puces de Quintaou, mais d’où venez-vous ?

J’habite à Poyanne à côté de Dax, un tout petit village qui a un très joli château XVIIème. J’aime particulièrement les Landes pour sa douceur de vivre et l’accueil des gens qui sont vraiment très chaleureux…et je suis très heureuse de venir à Anglet aux Puces de Quintaou en compagnie de mon collègue Marc Charbonnier parce qu’il y a une bonne atmosphère, une bonne ambiance, sans prétention. Autrefois je déballais à Paris et depuis quelques temps j’ai décidé de rester un peu plus dans la région.

Comment êtes-vous tombée dans la brocante ? Et quelle est votre spécialité ?

J’ai fait les Beaux-arts, en peinture. Et comme on vit rarement de sa peinture, j’ai donc un petit peu dévié et aujourd’hui ma spécialité ce sont des meubles anciens que je peins. J’achète des meubles et j’essaie de leur redonner une âme, une atmosphère plus agréable en les peignant.

Je ne les peins pas avec un décor ni quelque chose de figuratif, mais je fais un travail de matière et un travail de laque. Entre chaque couche de peinture je ponce énormément pour arriver à des transparences et des légèretés pour qu’il y ait un effet d’optique qui soit plus agréable à l’œil et que le meuble soit plus apte à prendre la lumière.

Quel type de meuble transformez-vous ? Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Ce sont toujours des meubles anciens au départ, et souvent des commodes. Ensuite c’est une aventure car à chaque meuble j’interprète une chose différente. J’aime rendre hommage à des peintres que j’aime comme Soulages, Pierre Alechinsky, Yves Klein, Claude Monet… Je ne plagie pas et j’essaie d’être dans l’humilité et de me rapprocher le plus près de leur œuvre. Par exemple pour Yves Klein, c’était bien sûr le bleu Klein que j’ai essayé de décliner le mieux possible. Ensuite pour la commode « façon » Pierre Alechinsky c’était extrêmement travaillé et dessiné et j’ai essayé d’être le plus près possible d’une partie de son œuvre qui est très incisive, dessinée. Et quand mes clients me disent « ça me fait penser à… », alors là, c’est gagné ! J’ai aussi fait un hommage à Serge Poliakoff. Si vous voulez, il y a des peintres qui m’ont nourri et je veux leur adresser un hommage, c’est un travail très intéressant. Je retraduis quelque chose et je mets un peu de moi. Chaque matin quand je rentre dans mon atelier, c’est une aventure, donc, je ne m’ennuie jamais ! Ma démarche, pour résumer, consiste à réhabiliter des meubles qui sont restés en oubli et que j’essaie de remettre en lumière. Je choisis des meubles simples, des formes pures pour amener des matières, une couleur, une délicatesse.

Pourquoi avoir choisi de déballer sur les marchés plutôt que de vendre dans une boutique ?

J’aime beaucoup le marché parce que le contact humain s’établit dans l’instant. Il n’y a pas de frontières, on n’a pas besoin de pousser de porte, on n’a pas besoin de l’emballage. Ça reste bon enfant parce qu’on est relié l’un comme l’autre par le ciel et la terre… Je pense que tout être humain est égal, ici il n’y a pas de snobisme…

Les rapports sont plus simples ? Notamment aux Puces ?

Oui, les rapports sont directs et particulièrement aux Puces parce que les gens viennent chercher l’objet qui les fait rêver, c’est à dire souvent un rappel d’enfance. Ils s’extasient devant la pendule qu’il sont vu chez leur grand-mère lorsqu’ils étaient enfants et les souvenirs remontent. Ils ont chaque fois un petit coup de cœur lorsqu’ils revoient un jouet qui était proche de ceux qu’ils ont utilisés. Ils ont, je pense, un émerveillement devant un très beau tableau ou devant un objet rare. Je pense qu’on leur apporte beaucoup de rêve et qu’on est à une époque où il faut avoir du rêve. On bute un peu contre le côté « stérilisé » de notre époque. Les contacts humains sur ce marché sont très sympathiques parce que les gens flânent, ils ont le temps, ils sont presque tous en « vacances » si on peut dire !

Vos conseils aux chineurs des Puces de Quintaou ?

Qu’ils reviennent très souvent, ils seront toujours bien accueillis ! Je pense surtout qu’il faut savoir acheter au coup de cœur. C’est très important parce qu’on n’est jamais déçu quand on achète selon son cœur. L’objet ancien est un objet rare qui n’est pas diffusé donc ils ne le retrouveront pas quinze jours après, un mois après. Il faut savoir saisir l’objet et ça c’est très important.

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